Épilogue

19 novembre 2018

Note importante : Mon nom est Jean, 71 ans, seul et en pleine santé. Je suis disposé à vivre ma vie pleinement pour les années (nombreuses j’espère) à venir.

J’ai écrit, dans mon article précédent, que j’écrirais un Épilogue dans les prochains jours. Il s’est écoulé plusieurs fois plusieurs jours depuis ce temps.

Et voici que je reprends le clavier pour écrire cet épilogue, en partie pour m’acquitter de ma promesse et surtout pour terminer ce long récit dont je vous ai fait cadeau, fidèlement tous les jours, tout au long de mon périple. (Note: Dans les faits, j’ai écrit cet épilogue le 19 novembre 2018, soit 3 mois après la fin du voyage de vélo mais à cause de problèmes hors de mon contrôle avec le site internet et d’autres préoccupations, je le publie aujourd’hui, le 19 novembre 2019, 1 an après l’avoir écrit. Veuillez m’en excuser.)

Ce que j’avais en tête, lorsque je vous ai fait la promesse d’écrire un épilogue, c’est que je vous ai écrit la vérité sur mon voyage mais je ne vous ai pas écrit toute la vérité. Il y manquait un morceau important: ce que je vivais à l’intérieur de moi, dans ma tête, et qui était la raison profonde de ce voyage en solitaire: la quête de moi.

Je n’en ai pas parlé parce que tout se bousculait en dedans de moi et parce que ceux qui me lisaient fidèlement tous les jours n’étaient pas tous assez près de moi au point que je leur fasse toutes les confidences, les réflexions et les hypothèses folles qui traversaient mon esprit au cours de ce voyage.

En premier lieu, toutefois, je dois dire que malgré certaines difficultés relativement importantes que j’ai rencontrées au cours de ce voyage, il n’a jamais été question pour moi d’abandonner, en cours de route. La question ne se posait même pas. J’avais en tête de compléter ce voyage, coûte que coûte, peu importaient les difficultés. Cela avait été une décision avant même le départ et rien, sauf une condition physique insoutenable, n’aurait justifié un changement de position.

En deuxième lieu, je dois rappeler, pour ceux qui ne me connaissaient pas beaucoup, que j’avais perdu ma compagne et l’amour de ma vie, Marie-Claude, en septembre 2017 et que je me retrouvais devant un vide immense à la suite de cette épreuve. J’avais besoin de me retrouver, de me retrouver seul et de retrouver le but de ma quête dans les années à venir.

Ce voyage a donc été, principalement, un voyage intérieur avant d’être un voyage touristique. Pour cette raison, je n’ai pas beaucoup pris de temps pour “visiter” le pays. Je l’ai fait un peu et à quelques reprises seulement: à St-John’s, Terre-Neuve, à Victoria, Colombie-Britanique et finalement à Winnipeg, Manitoba. Je n’en avait pas beaucoup le goût et je me disais que le vélo n’était peut-être pas le meilleur moyen, dans un si long périple, de m’attarder à tout ce qui me semblait intéressant. Je croyais et je crois encore, que le meilleur moyen serait l’auto, afin de pouvoir parcourir efficacement les grandes distance qui séparent les lieux d’intérêt partout au Canada. En cours de route, je me suis dit, à plusieurs reprises, que j’allais revenir, mais en auto, pour pouvoir prendre le temps et aller partout.

Je cherchais à voir clair en moi-même, identifier mes centres d’intérêt et mes priorités pour l’avenir. Je suis une personne en bon état, physiquement et mentalement, malgré mon âge. En forme, comme on dit couramment. Je suis toutefois bien conscient qu’affirmer “être en santé” est une bien grande prétention. Il y a trop d’inconnus. Il ne reste donc qu’à prétendre être en bonne santé et à se comporter comme si tel était le cas, pour les années à venir et profiter au maximum de la vie, vivre à fond, sans savoir combien de temps la vie durera.

Ceci étant dit, je voulais savoir comment je me présenterais face à la vie, au terme de mon voyage : qui je serais, ce que je voudrais vivre, seul ou avec quelqu’un, où je voudrais vivre, dans quelles conditions, comment j’allais utiliser mon patrimoine, etc, etc, etc. Et je crois bien être arrivé à comprendre qui j’étais, ce que je voulais être, comment et ce que je voulais vivre dans les années à venir. La principale réponse que je voulais trouver résidait dans la façon dont je voulais gérer le souvenir de Marie-Claude.  Différentes façons de vivre le deuil et l’après-deuil m’ont été présentées par des proches ou par des gens qui ne me connaissaient pas. Peu nombreuses sont celles qui ont retenu mon attention. Et j’en suis venu à me dire que la seule chose qui me reste de cette vie avec Marie-Claude, ce sont les souvenirs des bons moments que nous avons vécus ensemble, des bouts de chemin que nous avons parcourus ensemble et qui nous ont fait grandir l’un et l’autre et qui nous ont permis de devenir de meilleures personnes. Et j’ai pu constater, pendant ce voyage et depuis, à quel point je suis devenu une meilleure personne, plus forte et plus ouverte à l’essentiel de la vie : le bonheur. Et cela m’a permis de me dire que dorénavant je ne vivrais que pour atteindre le bonheur, à chaque instant et pour le reste de ma vie. Que je serais l’auteur, le scénariste, le metteur en scène et le producteur de chaque rêve, de chaque idée, de chaque voyage et de chaque instant que j’allais vivre dans l’avenir. Et que je ne pouvais dorénavant compter que sur moi pour vivre de cette façon. Et c’est bien ce que j’ai l’intention de faire, à partir de maintenant. Que je ne dois pas penser que Marie-Claude est là, à mes côtés, pour me supporter, pour me conseiller ou pour me guider. J’ai en moi tout ce dont j’ai besoin pour continuer ma vie. Les souvenirs que j’ai accumulés avec Marie-Claude seront mes points de repère pour le reste de ma vie.

Voilà où j’en suis au terme de ce voyage. Difficile de dire quels ont été les moments forts de ce voyage. Sur le plan matériel, il y en a trois ou quatre. Le premier, c’est la traversée de l’île de Terre-Neuve. Il a fait froid, il a neigé et je n’étais pas préparé psychologiquement pour de telles conditions. Et j’ai souffert. Le deuxième temps fort fut le temps passé à Banff à attendre mon colis de nourriture. Je ne m’étais pas préparé non plus à cette éventualité. Et je pense l’avoir mal géré. J’ai perdu 3 jours à attendre mon colis de nourriture. J’aurais dû filer la première journée et me débrouiller autrement. Un troisième temps fort fut ma chute à Strathmore. Heureusement, les conséquences ont été faibles grâce aux bons conseils de Denys Leclaire. Et j’ai pu continuer sans trop de mal. Il y a eu plus d’inquiétude que de mal.

Et il y a eu d’autres moments forts moins matériels et plus émotionnels: le séjour chez France et Pierre Gilbert, à Victoria. J’ai été accueilli par deux personnes au grand cœur avec qui j’ai eu des échanges extrêmement intéressants sur la vie, nos valeurs respectives, les choses importantes dans la vie. Il y a eu l’arrivée à Winnipeg, après une journée de 175 km. Journée euphorique. Et tout au long du parcours, il y a eu des rencontres avec des gens exceptionnels, riches d’expériences hors de l’ordinaire. Ensuite l’arrivée d’André, mon frère. Un moment fort, plein d’émotions qui ont perduré pendant 11 jours. Puis un premier signe que la fin était proche, l’arrivée chez mon bon ami André Couillard, à Rougemont. Mon autre grand ami, Fernand et sa conjointe Francine, se sont joint à nous pour la dernière soirée de ce long périple. Fernand s’est joint à André et à moi pour rouler les derniers 90 km du voyage. Quelle plaisir. Et finalement l’arrivée à la maison où plus de 25 personnes m’attendaient à bras ouverts. Quelle émotion! Et il s’en est suivi un souper dans lequel tous les participants avaient apporté un mets. C’était génial et très bon. Et moi, j’avais terminé et réussi mon voyage.

Voilà donc en quelques lignes, l’essentiel de ce que j’ai vécu de l’interieur, pendant ce voyage.

Je ne peux pas terminer cet épilogue sans remercier plusieurs personnes qui ont contribué à la réussite de ce voyage inusité. Tout d’abord, mes voisins et bons amis, Claude et Marie-Josée, qui m’on soutenu dès le début dans l’élaboration de ce voyage, et qui, en plus ont gardé ma maison pendant la durée de mon absence, arrosé les plantes, ramassé le courrier et fait la guerre aux souris qui avaient envahi la maison.
Je dois aussi remercier Francine, une vielle amie et ancienne collègue de travail, qui a mis à ma disposition son déshydrateur de grand volume et qui m’a ainsi permis de finaliser à temps la préparation de mes repas du soir (55) et de mes collation de la journée (environ une centaine). Ma sœur Hélène et son conjoint Jean, ainsi que mon frère Laurent qui ont généreusement mis à la poste, à chaque semaine, les 11 boîtes de nourriture que j’avais préparées d’avance pour mon voyage et qui devaient m’être livrées à des bureaux de poste déterminés d’avance le long de mon parcours.
Je veux aussi remercier aussi toutes les personnes qui ont suivi mon voyage par le biais de ce journal, et qui m’ont fait part de leurs encouragements, d’une façon ou d’une autre, tout au long de mon parcours. Vous avez été là, avec moi, à chaque jour, et je me suis fait un devoir de vous informer de ma progression quotidienne afin de demeurer en contact avec vous, vous de qui je me suis senti supporté à tous les jours.
Je veux remercier mon frère André pour son soutien indéfectible dans les derniers 1200 km de ce voyage. Je suis bien conscient de l’avoir soumis à une très grande épreuve, en lui imposant de rouler, pendant 11 jours consécutifs, de 90 à 130 km par jour et à tous les jours, sans avoir la préparation que j’avais, moi, qui avais roulé 6800 km au moment où il est venu me rejoindre. Il a tenu le coup. Je l’en félicite et l’en remercie.

Voilà qui termine les réflexions sur ce long périple. J’ai repris ma vie quotidienne. J’ai repris tout le poids que j’avais perdu. La vie continue. J’ai rangé mon vélo pour m’adonner aux sports d’automne (randonnée en montagne) et aux sports d’hiver (ski alpin, ski de fond et ski hors piste).

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